Alain Souchon – Âme fifty-fifties
« Ça s'est fait en plein pendant le bordel. J'avais les pieds sur le bureau. Pierre est entré. Il voulait me montrer une musique qu’il avait faite. Je lui ai demandé de me la donner. Dans cette période lourde, c’était une bonne idée, cet air ensoleillé, cette chanson légère. »
Sur la mélodie de son fils aîné, Alain Souchon a donc fait luire l’art de Claude Monet, Paris, Marrakech, la peau d’une jolie fille, et c’est Jaloux du soleil, une nouvelle chanson qui sonne comme si un été radieux venait se glisser sous le masque.
Du même élan, il a enregistré neuf autres chansons en version « unplugged » que l’on connaît depuis un an ou depuis toujours. Elles sont jouées à la maison – ou à peu près. Elles ont été enregistrées en live aux Studio Saint Germain. Presque rien d’instruments, presque pas de micro, comme si l’on était là, avec lui dans la pièce. La pureté intemporelle des mélodies, la clarté parfaite de ce à quoi tient Souchon quand il écrit : « Un air qui porte des paroles pour raconter une histoire, donner une opinion – mais pas trop. »
Une compil ? Pas vraiment. Une vie, plutôt. « Quand je joue ces chansons, je pense aux moments où on les a faites avec Laurent, ou plus tard avec Pierre et Ours. »
C’est ce qui a compté pour faire cet album en plus de l’album, Âme fifty-fifties, réalisé comme Âmes fifties par Maxime Le Guil : assembler les souvenirs heureux d’un faiseur de chansons qui se rappelle qu’« on a autant de plaisir et autant de mal à faire une chanson qui marche et une chanson qui ne marche pas. » Faire entendre ensemble grands classiques et titres moins connus, des souvenirs des jours heureux où sont nées ces chansons entre 1977 à 2019, la dernière étant Un terrain en pente, qu’Alain chante en s’accompagnant à la guitare.
Pour les autres, il y avait aussi Michel-Yves Kochmann, Pierre Souchon et Ours aux guitares et Jean-Luc Léonardon au piano. Il n’a pas fallu bien longtemps – une après-midi – pour tout chanter. Un autre miracle radieux après le miracle de ces décennies de carrière, des chansons qui accompagnent des millions de gens depuis si longtemps, de l’ivresse du mot juste – « J’étais exalté quand j’ai fait Caterpillar, quand j’ai trouvé cette image : « Les filles dans nos cœurs / Font des travaux d'aménagement / Souvent au marteau piqueur ». Et puis il y a aussi J’ai perdu tout ce que j’aimais, qui est « la préférée de Laurent. On était jeunes, le PDG de la maison de disques nous avait prêté un appartement sur la Côte d’Azur. Nous étions portés par notre travail. À cette époque, nous avons fait plein de chansons qui ont marché. »
Et voici comment s’ajoute un album à l’album, en cette curieuse année 2020 : « l’impression que la Terre remuait des épaules », la tournée qui s’interrompt, l’envie de conserver le lien qui s’est établi quand nous étions confinés avec les oreilles tendues sur les réseaux. Revenir au point de départ, donc : « Musicalement, je ne suis pas un caïd. Je commence toujours par les mots. Raconter une histoire, un petit truc qui reste. » Voici donc dix petits trucs, dans leur absolue simplicité.